Phénix débute comme un bulletin de liaison entre membres de la SOCERLID mais dans un
style bien plus ambitieux que le GiffWiff du début du Club de la Bande
Dessinée. Claude Moliterni, fondateur de la revue en est aussi l’esprit sinon
la lettre. Scénariste, rédacteur en chef, auteur de romans policiers et de
pièces radiophoniques, directeur de collection, il est omniprésent dans la
revue où ses articles consistent essentiellement en comptes rendus de Salon,
d’expos ou d’interviews. La revue vit différentes phases au cours des années et
il est intéressant de les observer car elles suivent – ou précèdent et influent
même parfois – l’évolution du genre. Moliterni ne semble pas intéressé par une
réelle analyse du médium BD. Ce serait plutôt la nostalgie et une certaine
propension à imposer ses propres créations qui semble être le moteur de son
activisme.
Dans les premiers numéros on trouve un article rétrospectif des soixante-dix ans de
la BD, signé Maurice Horn et des articles sur Milton Caniff, Little Nemo, Alain
Saint-Ogan, Blake et Mortimer ou Alex Raymond. Ce n’est qu’à partir du
numéro 8, fin 1968, que la revue commence à s’intéresser à ce qui fait
bouger la BD en profondeur et dans le présent plutôt que dans le passé, en
publiant une interview de Marcel Gotlib et un récit complet de Gigi, mais ce
dernier a pour scénariste Claude Moliterni, ceci pouvant expliquer cela même si
Robert Gigi est un des dessinateurs dont le graphisme est le plus jubilatoire à
cette époque…
Comme le fait remarquer Thierry Groensteen (CBD 62), Phénix, en multipliant les
articles sur Hergé (douze), Jacobs (neuf) et Martin (cinq) contribue à faire de
ce trio des classiques et maîtres incontournables de la BD
européenne. Seul Franquin égale ces trois-là en
nombre d’articles parus (cinq également). Mis à part quelques petites notes de
lecture, pas un seul vrai article de fond sur Astérix ! Ainsi Phénix fait en
quelque sorte la pluie et le beau temps dans le monde de la bande dessinée, et
ce, pendant des années.
La revue s’est donc d’abord préoccupée de faire plaisir à ses membres,
certainement nombreux à être nostalgiques de leurs lectures de jeunesse, avant
de faire un vrai travail de défrichage et d’apport critique sur le sang neuf
qui bouscule les conventions. Les rôles entre les différents rédacteurs sont
assez clairement définis, visiblement selon leurs propres passions et intérêts.
Et même si de jeunes membres amènent rapidement un ton nouveau – surtout
Jean-Pierre Dionnet qui est le premier à parler des comics, de l’underground et
des super-héros américains dans la revue – les anciens sont là et continuent de
disserter sur leurs héros personnels. Henri Filippini, Yves Frémion, Numa
Sadoul font aussi partie de cette nouvelle génération de critiques et auront
tous, plus tard, des rôles importants dans le milieu de la BD.
Phénix démarre en 1966 avec un tirage de trois mille exemplaires et passe à trente
mille à l’époque où il est repris par Dargaud au numéro 28 en 1973. Ce
changement d’éditeur entraîne un changement énorme dans le contenu puisque la
revue publie alors autant de BD que de rédactionnel. Cela provoque aussi un
grand changement dans la perception qu’a le public de la bande dessinée. De
nouveaux amateurs trouvent à leur disposition, en kiosque ou chez leur buraliste
des textes qui parlent sérieusement de leur passion. Les lecteurs vont pouvoir
commencer à réfléchir sur celle-ci et non plus seulement la consommer sans
modération… Cette période de la revue n’est pas la plus intéressante sur le
plan rédactionnel mais son importance est capitale par cette diffusion étendue
qui la sort du fanzinat.
Si Phénix n’est pas encore la revue d’études sur la BD que seront les Cahiers de
la Bande dessinée ou Neuvième Art (la superbe revue du Centre National de la
Bande Dessinée d’Angoulême) elle est tout de même une revue d’historiographe et
d’analyse qui a permis à de nombreux lecteurs de découvrir d’autres facettes
d’un art qu’ils aiment. Phénix a grandement participé à faire de la BD un genre
admis et pris au sérieux. Et ce côté sérieux elle le doit essentiellement à
Pierre Couperie qui est de fait le premier vrai historien de la bande dessinée,
pointilleux sur la vérification des sources, n’acceptant pas les erreurs de
dates ou de noms et qui veut relier la bande dessinée à l’Histoire de l’Art en
général. Ce sérieux et ce côté méticuleux, d’autres
vont le reprendre, et le défrichage et l’archivage de données peuvent ainsi commencer.
Un seul numéro paraît en 1966. Il a 32 pages de format 27 sur 18,5 cm. Il est vendu 4,50 Francs.
Numéro 1 (01/10/1966) 32 pages - Complet |
Type |
Série ou rubrique |
Titre |
Auteurs |
Couverture | Bringing up Father | | McManus George |
Sommaire | | | |
Rédactionnel | | Avant-propos | ???? |
Rédactionnel | | 70 années de bandes dessinées | Horn Maurice |
Rédactionnel | | Alain Saint-Ogan ou la science-fiction inconnue | François Edouard |
Nouvelle | | Truand à la manque | Horn Maurice, Moliterni Claude |
Strip | Saturne | | Le Gallo Claude |
Rédactionnel | Little Nemo in Slumberland | Little Nemo au Metropolitan Museum | Moliterni Claude |
Extrait 2p | Little Nemo in Slumberland | | McCay Winsor |
Rédactionnel | Scarlett Dream | Connaissez-vous Scarlett Dream | Gigi Robert, Moliterni Claude |
Nouvelle | | Mister Ball | Moliterni Claude, Le Gallo Claude |
Strip | Terry et les pirates | | Caniff Milton |
Rédactionnel | Terry et les pirates | Terry et les pirates | Moliterni Claude |
Rédactionnel | Steve Canyon | Steve Canyon | Destefanis Proto |
Extrait 1p | Steve Canyon | | Caniff Milton |
Rédactionnel | Steve Canyon | Comment j'ai créé Steve Canyon | Caniff Milton |
Rédactionnel | Male Call | Male Call | Couperie Pierre |
Strip | Male Call | Male Call | Caniff Milton |
Pub | | Musée de la la bande dessinée | ???? |