Présentation du Concombre Masqué par Mandryka
Ce texte de présentation est constitué d'extraits choisis
par Mandryka d'une interview d'Antoine Duplan et de commentaires originaux
par Mandryka (en italique).
Quelque part au bout du monde, dans le désert de la Folie Douce, se
dresse la silhouette altière du cactus-blockhaus. C'est là
que vit le Concombre masqué. Avec son ami Chourave, il vaque à
ses occupations: faire burner les mauves, pêcher le berdulaire, siffler
un verre d' achedeuzo à l'ombre d'un paradoxe en fleur, se régaler
d'un bon frigouli aux broutches molles ou simplement jouer au grumeleux
désappointé. Les deux amis se lancent aussi dans des aventures
plus sérieuses (lutter contre le Grand Patatoseur) ou des quêtes
essentielles (trouver l'endroit où la nuit tombe)...
Apparu le 1er avril 1965 dans "Vaillant Le Joumal de Pif", le Concombre
masqué a introduit l'absurde dans la bande dessinée française
et contribué à faire d'elle un art majeur.
Les mille et un visages du Concombre Masqué
Mandryka entre dans le monde professionnel de la bande dessinée en
1965. Il travaille à la fois pour Vaillant, journal pour la jeunesse
publiée par le P.C.F., et Pilote, journal satirique dirigé
par René Goscinny. Mandryka y mène une carrière de
scénariste et de dessinateur, et multiplie les collaborations. Les
pages du «Concombre Masqué» qu'il signe du pseudonyme de
Kalkus dans Vaillant sont une variation végétale sur l'histoire
de la bande dessinée s'inspirant aussi bien du cryptique
«Fantôme du Bengale» par Lee Falk et Phil Davis que de
«Radar le Robot» de Franquin.
Beaucoup de choses étaient alors conventionnelles dans la B.D.
pour la jeunesse, il y avait toutes sortes d'interdits à ne pas
enfreindre. Le «Concombre» était un peu une réaction
à cette ambiance générale, une façon d'être
décalé qui tranche sur le reste. «Les Aventures
Potagères du Concombre Masqué» ont dès le départ
sciemment cultivé un ton délirant. Le passage du Concombre
dans Pilote en 1967 m'a permis d'approfondir une veine absurde tout en
introduisant plus directement des références à la culture
et à la politique de l'époque. Ce n'était plus exactement
le «Concombre» d'origine, mais j'aimais que ce personnage masqué
puisse s'adapterà différents contextes, quitte à
complétement changer de personnalité. En ce sens, le
«Concombre» se distinguait d'une vision monolithique du héros
de B.D. -
À l'origine du justicier schizophrène se trouve un personnage
de Forest, le «Copyright», dont le jeune Mandryka continue pour
son compte les aventures, inopinément interrompues. Ce
prédécesseur qui s'exprime à coups d'exclamations
pataphysiques se métamorphosera bientôt en «Concombre
Masqué».
J'ai commencé à faire de la bande dessinée recopiant
des images tirées de séries de cow-boys comme «Tex
Willer» et en y introduisant mes propres textes. J'ai ainsi produit
à la main huit numéros d'un journal de bande dessinée.
Je me suis servi de tout ce que j'avais appris du surréalisme dans
les premiers Walt Disney, du délire orchestré dans les films
des Marx Brothers et de l'héroïsme d'opérette des films
de Flash Cordon. Je notais les éléments qui me plaisaient et
je partais sur ma propre histoire. Je procéde actuellement encore
de cette façon...