L’hebdomadaire V n’est pas à vrai dire un hebdomadaire faisant partie de la presse du coeur. C’est un magazine à caractère familial, édité par la Société éditions “V”, 12 rue du Croissant , Paris 2ème, dont P. Fribourg est le directeur et J. Bazal le rédacteur en chef.

V ou V-magazine, comme vous préférez, se presente sur grand format (35/26), et 16 pages pour le prix de 20 frs.

V-magazine, c’est “l’hebdomadaire des reportages” mais surtout un incroyable fourre-tout, avec un sommaire varié, plein de reportages et des photos de jeunes filles en bikini. Présenté longtemps en blanc et rouge (en aplat) mais aussi en blanc et noir, il manque l’attrait de Boléro ou de Nous Deux, mais il comporte un atout majeur : la présence de Jean David.

Journaliste et illustrateur, Jean David, fournira maints reportages, mais encore et surtout Les amours de Barbara Smith, car Barbara est une belle blonde, bien roulée, qui connaît maintes aventures, un peu à la façon de la très anglaise Jane (de Norman Pett). Ici aussi Barbara s’empresse de quitter ou enfiler ses vêtements sous le moindre prétexte. On peut déplorer l’influence graphique un peu outrancière d’Al Capp (dessinateur américain de Li’l Abner), mais c’est bien tourné, très sexy et fort plaisant à suivre.

Il importe de ne pas confondre le marseillais Jean David (1915-1988) avec l’auteur belge Jean David, pseudonyme de Jacques Dailly, qui publia e.a. dans la Série Noire et dans la collection Angoisse. Notre Marseillais livrait encore à V-magazine des illustrations pleine page qui figuraient à l’arrière du magazine.

Peut-on derechef le considérer comme le grand ancêtre de la BD adulte (surtout sexy) en France ? En tout cas il avait du talent et on ferait bien d’éditer, ne fut-ce qu’un petit album, avec les aventures de Barbara Smith.

Dans un de ses précieux catalogue Christian Castéra écrivait sur V-magazine: “une revue de plaisir qui en adaptant sa formule, parvint à durer. Le dessinateur maison, J. David, ne manquait pas de talent et on y rencontrait, au détour des numéros, des signatures intéressantes. V réalisait un équilibre entre pin-up, cirque, cinéma, humour, vie parisienne, dont la recette se perdit avec lui.”

Avec l’éditeur Edica (rue de Maubeuge à Paris) Jean David s’essaya même au comic book à l’américaine (Edica essaya de tout à cette époque: SF, Polar…) avec Mariage avec la mort, dont la couverture époustouflante n’est pas sans rappeler les comic books américains de E.C. Ce fascicule, publié en 1953, contient “un roman complet américain en images collection insomnie” (20 pages/100 Frs) , encore que le dessin est assez statique. Pas plus de 4 à 5 cases par page et malheureusement le contenu n’est pas à la hauteur de l’affriolante couverture. Un n° 2 est annoncé (Hold up à la mairie), mais nous ignorons s’il est paru.

V-magazine connaîtra une drôle de carrière, deviendra Voir et déménage au 18 rue d’Enghien, dans le Xième, toujours dirigé par Pierre Fribourg. Parmi les collaborateurs on notera les noms de Francis Didelot, Jacques Spitz et l’immanquable Louis-Charles Royer. Par moments Voir s’appellera Voilà et c’est OPTA (éditeur de Mystère Magazine et de Fiction) qui s’occupe de la publicité.

Plus tard V-magazine (distribué en Belgique sous le titre X-Magazine) sera dirigé, sous un autre format, par Georges H. Gallet et découvrira les talents de Jean-Claude Forest, Georges Pichard et Robert Gigi, et là oui, nous sommes en pleine BD adulte…

Quant à Jean David on le retrouvera encore pour de nombreuses couvertures de romans (CPE, Paprika,, etc.) et dans nombre de petites publications sexy et érotiques! (voir plus loin).

Prochain chapitre : Del Duca ouvre le bal (et le feu)

Première publication de ce texte : "Detective Story - Cahier BD III", éditions Kosmopolis/VPOB, 2013.