Les chroniques de DannY De LaeT

Le coeur et le crayon : la BD adulte en France

Chapitre 2 : Del Duca ouvre le bal (et le feu)

Nous Deux
Le couple, jeune et beau, le regard brumeux au loin, la voiture sport,
les vêtements à la mode, le décolleté à peine aguichant….
Mazette, quelle technique et que de promesses dans ce superbe dessin.
Ca vaut tous les Picasso !

NOUS DEUX

EditeurNous Deux-Editions/Editions Mondiales
3 rue Taitbout
Paris 9ème
DirecteurPierre Roux mais en fait Del Duca lui même
Periodicitébi-mensuel puis hebdomadaire à partir du n° 5
Format31/23,5
Pagescommence avec 16 pages puis s’agrandit progressivement
Prix10 F en 1947, 13 F en ’48, 20 F en ’49, etc. (inflation, inflation !)

Nous Deux démarra le 14 mai 1947 avec la mention "Le film mondial présente", titre qui sera rapidement remplacé par le sous-titre: "l’hebdo du roman dessiné".

De Nous Deux Castéra disait dans ses catalogues: “Revue sous-titrée “l’hebdomadaire qui porte bonheur”, contenant roman-photos, bandes dessinées sentimentales sous de splendides couvertures illustrées en couleurs (surtout celles des années ’40). <^> Digne de figurer dans cette liste car les premiers numéros réservent 8 pages sur 12 à la bande dessinée !!! (appelées alors “romans dessinées”, en 1947-48). Malheureusement, peu de ces bandes sont est signées (parfois superbement illustrées !) et l’augmentation des pages du magazine, due au succès, n’élargira pas l’éventail de séries proposées.

Les romans dessinés seront supplantés définitivement par le roman-photo dans les années soixante après une cohabitation sans heurts.”

L’éditeur n’est autre que le génial Cino Del Duca (1899-1967) qui est alors également l’éditeur de Tarzan et de L’Intrepide, illustrés pour la jeunesse. Del Duca, ne reniant pas ses origines transalpines, s’aperçoit du succès des magazines pour dames genre Grand Hôtel (publié en Italie par deux frères de Cino) et Bolero, deux éditions italiennes, qui sont truffées de bandes dessinées pour un public adulte. Comme la BD il connait, il songe immédiatement à lancer ce produit sur le marché français. Cela donne NOUS DEUX, l’hebdo du roman dessiné, qui s’intitulera aussi sporadiquement Nous Deux Romance. Le magazine, grand format à l’italienne, n’est guère épais, à peine seize pages, mais il contient en principe deux (parfois trois) bandes dessinées, étalées sur trois (parfois quatre) pages chaque, et là, ce n’est que de la qualité!

Il ne faut quand même pas oublier que Del Duca, émigré italien et naturalisé Français en … est déjà avant-guerre un des principaux éditeurs d’illustrés pour la jeunesse.

Ainsi dans les années trente il devint un des sérieux concurrents de Paul Winkler (éditeur du Journal de Mickey) en lançant successivement Hurrah ! en 1935 et L’Aventureux en 1936 qui tous deux disparaitront en 1942. Entretemps Del Duca avait également publié l’éphémère Le Corsaire de fer (22 numéros en 1936-37) avec l’extraordinaire dessinateur Kurt Caesar (Corrado Caesar, Metz 1908- …?.). Del Duca favorise d’ailleurs l’éclosion de plusieurs dessinateurs français tels que Giffey, Poïvet, Brantonne…

Durant l’occupation Del Duca lance encore L’Audacieux (1941-42), version zone libre de L’Aventureux puis Les Belles Aventures (1942-44).

Comme on peut le constater Del Duca est un batailleur qui ne s’avoue jmais vaincu. A peine doit-il se séparer d’une publication, qu’il en lance une autre, quitte à reprendre la même formule sous un autre titre. Mais c’est une veine qu’il soit teigneux, revanchard et colérique, car les difficultés rencontrées sous l’occupation ne sont rien en comparaison avec les problèmes qui s’accumuleront avec les publications pour la jeunesse dans l’après-guerre. On peut y déceler les raisons qui contiendrons Del Duca à se désintéresser de ce genre de publications au profit des magazines pour adultes, et par extension de la bande dessinée au profit du roman-photo.

D’ailleurs il avait tente déjà durant l’occupation à lancer un hebdomadaire familial, tentative qui fut un échec mais ce n’est guère un échec qui réduit son enthousiasme pour ses idées créatives!

Ainsi il avait lancé, toujours sous l’occupation, un éphémère (encore!) Tarzan (34 numéros en 1941), reprenant la BD qui avant–guerre paraissait dans Junior (SPE) et L’As (SPE) mais que Del Duca avait également publié dans Hurrah ! avant-guerre, un Tarzan dû à la plume de William Juhré.

Il publie encore à partir de juillet ’42 Sensations, bi-mensuel pour la femme au contenu souvent discutable et qui disparaîtra en mars ’44, lorsque Del Duca conscient de balancer un peu trop entre collaboration et résistance jugera bon de se blanchir une fois pour toutes (ce en quoi il ne réussira jamais entièrement).

Après-guerre Del Duca relance un premier illustré pour les jeunes, sous le même titre de Tarzan en 1946 et c’est principalement sur ce titre que s’acharneront éducateurs et censeurs

Ce qui conduira finalement au vote de la loi scélérate et infamante de 1949 pour la soi-disante protection pour la jeunesse. En but à trop d’attaques (aussi bien catholiques que communistes, pour de basses raisons concurrentielles de Grand-Coeur à Vaillant…) à la suite de quoi Del Duca arrête la publication de L’Aventureux (1947-48), puis de Tarzan dont les BD principales seront reléguées dans L’Intrépide (redémarré en décembre 1948 mais non plus sous la houlette de la SPE (Offenstadt), mais bien de Del Duca (soit Editions Mondiales). Une nouvelle tentative de publier un hebdo intitulé Tarzan en 1953 tournera court. Les principales BD de cet ultime baroud d’honneur seront quant à elles reléguées dans le nouveau Hurrah ! qui voit le jour cette même année 1953.

Del Duca dispose alors de deux illustrés, respectivement L’Intrépide, avec en vedette des BD de Giffey (Buffalo Bill), Le Rallic (Fanfan la Tulipe), Gloesner, Erik et quelques séries italiennes (Le petit sheriff, Hardi John), voire américaines (Arthur et Zoé), et Hurrah ! où l’on retrouve e.a. Pour l’honneur L’Insaissible (Bourlès), Robin des Bois (Souriau), Chandra, Bugs Bunny et du Giffey encore.

Les deux hebdomadaires résistent durant la décennie des années ’50 à la forte concurrence massive de Tintin, Spirou et Le journal de Mickey voire même de Vaillant. Ils fusionnèrent en 1959 et connurent une lente agonie, affreusement imprimés en bichromie avec prédominance de la couleur bistre et - ultime avatar – l’introduction de romans-photos.

L’intrépide-Hurrah disparut en 1961 encore que la nom de L’Intrépide sera accolé au titre de Mireille, hebdo pour les jeunes filles, que Del Duca racheta à son fondateur Marijac.

Del Duca abandonna à l’époque son idée de publier des illustrés pour la jeunesse, engagé tel qu’il l’était dans la presse du coeur et la presse familiale. Il permit encore tout juste l’introduction de la BD dans Télé-Jeunes (né en ’62), puis dans Télé-Poche, mais sans grande conviction. Pour Del Duca la BD s’était fini et bien fini.

Mais revenons à NOUS DEUX et ses histoires d’amour dessinées. En 1947 Del Duca croyait encore à la bande dessinée et celle qu’il publie dans Nous Deux est d’un autre alloi que celles qu’il publie dans Tarzan ou dans L’Intrépide certes mais graphisme parfait, sept cases, pas nécessairement alignées, par planche, mais planche empreinte de dynamisme dans la mise en page, dialogues quasi en surimpression sur les dessins (et texte souligné !), dessin proche de la photographie tant il est précis et technique du lavis, pour donner une impression de couleur et de profondeur du champ.

Chaque fois est indiqué l’auteur du roman adapté, ainsi que du réalisateur (probablement l’adaptateur ou scénariste), mais qui n’est pas le dessinateur qui reste anonyme, hélas… Ce sont des dessinateurs italiens de grande classe dont on connait enfin les noms, le plus prestigieux étant celui de Walter Molino, nom qui est est révélé dans Les Années Roman-Photo.

Ce même Molino et son collègue Giulio Bertoletti fourniront durant de longues années les superbes dessins de couvertures – dans l’esprit des BD publiées à l’intérieur. C’est d’ailleurs Bertoletti qui signe le dessin du premier numéro.

Molino (1915- 1997) déjà auteur de BD connues avant-guerre – dont le fameux Virus, il maggo della foresta nera en 1938 - atteint le sommet de son art dans les récits pour adultes, publiés dans la revue Italienne Grand Hôtel et dont Nous Deux est la copie conforme française. Son Virus paraîtra en Français sous le titre Le magicien de la forêt noire dans le bimensuel Les Cahiers d’Ulysse (1941-42) où publient également d’autres dessinateurs italiens tels que Scolari et Albertarelli. Mais Molino sera surtout reconnu comme un maître de l’illustration au graphisme réaliste pouvant saisir dans le raccourci d’une image l’instantané d’un drame humain, tiré de l’actualité, ainsi qu’en témoignent ses dessins pour la rubrique “E accaduto” dans La domenica der Corsiere et ses dessins pour Bolero, un genre quasi typiquement Italien que l’on retrouve chez Ferrari dans Radar et dans Lui.

Giulio Bertoletti (1919-1976), engagé par les frères Del Duca en 1946, il restera surtout le dessinateur de Grand Hôtel et Nous Deux.

D’autres dessinateurs? Pierre Frisano (1934- ? ), Aslan (alias Alain Gourdon), Rino Ferrari (? – 1987), Angelo di Marco, Aldo Torchio (1925- ?), Gino Pallotti (1920- ?), Saint-Croix…

Ils sont les champions d’une BD assez statique, car non pas dévolue à l’action mais plutôt aux sentiments et aux conflits passionnels et intérieurs. Les dessinateurs italiens s’inspirent souvent des acteurs et des vedettes à la mode pour façonner les visages de leurs protagonistes, ce qui n’est pas sans attirer l’attention du lecteur qui peut ainsi s’identifier avec le personage, comme il le fait déjà au cinéma ; cet élément de style, cette formule seront rapidement suivis par les dessinateurs français ainsi que nous le signalerons. Cela donne un certain piment au graphisme et sert même de point de reconnaissance pour le lecteur. Que ce soit directement ou indirectement un hommage au 7ème art, ainsi que le prétendent certains, il s’agit, à nos yeux, plutôt d’un élément racrocheur et commercial indéniable.

Au nom de l’amour in Nous Deux,1953

Le succès de Nous Deux est gigantesque et atteint dans sa première année le tirage fabuleux de 700.000 exemplaires par semaine. Du coup Del Duca qui était avant-guerre un des barons de la presse illustrée pour la jeunesse devient l’empereur de la presse du coeur.

La première BD publiée dans Nous Deux - mai 1947 - s’intitule Ames Ensorcelées qui paraîtra à raison de 5,5 pages par livraison en 30 épisodes (et sera rééditée en 2010). Elle est due à Walter Molino. La deuxième BD figurant dans le premier numéro de Nous Deux s’intitule Les sept gouttes d’or, dessinée par Bertoletti. A partir de là c’est un déferlement de récits sentimentaux que les dames lisaient le mouchoir à la main. Mais même en tenant compte de cet esprit on ne peut qu’admirer le graphisme.

En 1947 les illustrés italiens introduisent le récit sous forme de roman avec photos au lieu de dessins ; cela donne le roman-photo, dont le succès est semble-t-il foudroyant.

Suffisament en tout cas pour inciter Del Duca à tenter l’aventure avec ce nouveau support; il va donc créer Festival (juin 1949), première revue française à publier des romans photos à l’italienne.

Encouragé par ce succès Del Duca décide d’incorporer des roman photos dans Nous Deux, ce qui se fait en août 1950, où BD et photos se cotoyent provisoirement. En augmentant progressivement le nombre de pages en ce début des années ‘50, Nous Deux présente trois BD et trois romans photos par numéro !

A noter que Nous Deux s’intitulera alors l’hebdomadaire qui porte bonheur, ainsi que nous l’a rappelé Castéra.

Ce juste équilibre entre BD et romans-photos persiste d’ailleurs juqu’au début des années ’60.

Les deux ou trois récits dessinés dans Nous Deux sont des histoires “à suivre” (tout comme les romans écrits, confessions et récits qui remplissent les autres pages du magazines). Vieux roublard Del Duca imagine alors de présenter d’autres BD, mais sous forme de récit complet, ou plutôt pour employer sa terminologie, de “roman dessiné complet”. Cela donne “Nous Deux présente : un roman dessiné complet” et là c’est copieux : grand format 31 sur 23,5 et bon pour 100 pages et pour 175 Fr, excusez du peu !

Mais pour le collectionneur ou l’amateur de BD c’est assez compliqué car il y aura au moins deux publications similaires chez Del Duca. Bel exemple d’auto-concurrence!

I.- NOUS DEUX PRESENTE / Un roman dessiné complet

Nous Deux/un roman dessiné complet
EditeurSociété Nous Deux-Edition, 3 rue Taitbout, Paris 9ème
DirectriceSimonne Del Duca
PériodicitéPublication bimestrielle
Format31 sur 23,5 cm
Pages100 pages
Prix175 frs
Années1952- 1955 ?

A voir les titres - Tendre Mission, Le triomphe de l’amour, Ne jouez pas avec l’amour, La beauté masquée – on comprend que l’éditeur ne sort guère des sentiers battus. Pourtant l’étendue du support laisse loisir aux dessinateurs et scénaristes de varier au possible beaucoup d’épanchements avec un zeste d’action. Les auteurs sont italiens mais pas tous et on remarque ci et là un style et graphisme moins exigeants. Des dessinateurs français ont dû prendre la relève et là, les influences sont notables.

A la mièvrerie sentimentale hélas ne peut guère répondre un ton adulte ; les histoires sont impregnées de jalousie, de quiproquos, de malentendus, de coups du sort, bref tout l’arsenal thématique qui peut intéresser ceux qui s’évadent dans l’irréalité d’un monde illusoire.

L’érotisme est présent mais très latent et l’ennui (c’est le cas de le dire) fait que ces histoires sont trop longues que pour être aussi passionnantes que les albums de BD du Lombard, de Dupuis voire même des fascicules d’Artima ou les albums bon marché de la SPE

Nous Deux présente/Un roman dessiné complet se présente comme publication bimestrielle mais nous ignorons la durée de cette publication dont nous avons retrouvé des numéros parus de 1952 à 1955.

Cette collection évolue-t-elle vers une présentation moins grande ? En 1954 en tout cas paraissent :

II.- LES ROMANS ILLUSTRES DE NOUS DEUX

EditeurSociété Nous Deux-Edition, 3 rue Taitbout, Paris 9ème
PériodicitéPublication mensuelle
Format21 sur 27 cm
Pages68 pages
Prix90 frs

Combien de numéros parus dans cette collection qui, en plus alterne visiblement une fois des récits en BD une autre fois un roman-photo ?

Orage africain,1953 Orage africain,1953

III.- MADRIGAL

En 1948 Del Duca avait lancé d’autres hebdomadaires féminins, dont Madrigal, l’hebdomadaire complet de la famille (qui deviendra plus tard Madrigal l’hebdomadaire de la femme moderne).

Ce titre de Madrigal nous le retrouvons en 1953 (peut être même avant ?) sur la page de titre d’une publication en tous points identiques à la formule de Nous Deux présente/Un roman dessiné complet, prix et présentation identiques, mais sans la mention du label Nous Deux, et soi-disant édité par Les Editions du Miroir de la Mode (bien que le collophone indique “Société Nous Deux”, à la dernière page où paraît également de la pub pour Madrigal. Ah ?) Tout à fait identique, sauf que la couverture ne mentionne pas le label Nous Deux sur la couverture et que le nom de Madrigal ait remplacé le nom de Nous Deux sur la couverture.

Là encore nous ignorons combien de numéros sont parus

Quant à l’érotisme dans ce genre de BD, il se limite à quelques poses lascives et des décolletés vertigineux ou encore quelques poitrines pigeonnantes… Dommage. Quant aux auteurs on n’en sait rien, car il n’a dans ces romans dessinés aucune indication et nous ignorons donc si, dans le lot, il y eut des dessinateurs français ou encore si Del Duca se limitait à transcrire dans une édition française une production purement transalpine.

La BD disparaît dans les années ’60 - dernière BD dans Nous Deux : La Grande Croisade en 1963 - et la dernière couverture dessinée en 1972 - les dessins seront remplacés définitivement par des photos de couples.

Le roman-photo lui s’était sournoisement introduit dans Nous Deux en 1950 lorsque dans le n° 165 avec "A l’aube de l’amour", roman-photo itralien bien entendu que Del Duca à racheté à Mondadori. Mais à l’époque on ne prévoyait pas encore la fin des BD dans la presse du coeur. Et justement, j’ai failli oublier : il existait aussi un NOUS DEUX ALMANACH qui contenait également une BD, un récit complet, et ensuite BD et roman-photo.

Les Almanach à l’époque faisaient fureur. Même le journal de Tintin en édita un, en ’55 précisement.

couverture de Madrigal No 72 couverture de Madrigal No 188

INTIMITE du foyer, le magazine pour une vie meilleure

Couverture du numéro 222 de 1950
EditeurIntimité, 28 Blvd Poissonnière Paris 9ème
PériodicitéPublication hebdomadaire
DirectriceSimonne Del Duca/ Monique Pivot
GérantIgnace De Blasi
Format23,5 sur 30,5 cm
Pages28 pages
Prix30 frs
Annéess’appelait à l’origine Véronique et racheté en 1947

En fait, Intimité est un des nombreux titres que Del Duca édite après-guerre dans une fringale boulimique qui va - exception faite des illustrés pour la jeunesse mentionnés ci-haut - de Nous Deux à Festival, Madrigal, La Vie en Fleurs, Boléro, etc.

Après Nous Deux lancé en 1947, Del Duca acquiert Véronique qu’il rebaptise Intimité (au début l’ancien titre Véronique y sera accolé). En juin 1949 suivra Festival, hebdo de cinéma, qui sera le premier magazine à publier des romans-photo en France, selon le mode italien et de fait Festival devient rapidement l’hebdo du roman-photo. La même année, Del Duca lance La Vie en Fleurs et en 1950 Boléro, dont nous parlerons dans un instant. Quant à Intimité, le contenu de ce “magazine pour une vie meilleure” (beau programme), était tres orienté vers le sentimental et ne différait pas tellement de Boléro par sa conception: feuilletons, nouvelles, contes et quelques rubriques du coeur, plus trois ou quatre romans-photos à suivre par numéro. Et pas de BD !

La couverture se présentait comme un grand portrait-photo, principalement de jeunes filles.

A oublier donc.

LA VIE EN FLEUR, le magazine de la femme

La vie en fleur numéro 90
EditeurSEDEF, 9 boulevard des Italiens Paris 2ème
DirectriceM. Citerne
PériodicitéPublication hebdomadaire
Format21 sur 26 cm
Pages52 pages
Prix35 frs
AnnéesNé en 1949
Et avec Del Duca cela n’arrête pas !

La vie en fleur contenait en principe - encadré par les romans de Magali et Max du Veuzit - au moins trois BD à suivre. On y retrouve l’excellent et toujours mésestimé Lucien Nortier (une adaptation de Walter Scott en 1954), ainsi que le tout aussi excellent Bourlès (ah! L’Insaisissable !) et peut être aussi du Poïvet. Tous les romans sont en plus excellement illustré par des dessinateurs français.

Rien d’affriolant dans les dessins mais simplement beaucoup de qualités sur le plan graphisme.

Une publication à découvrir pour ces trésors cachés dont certains sont peut être à rééditer ?

Probablement envahi par la suite par des romans-photos…

Walter Scott vu par Nortier Zane Grey vu par Bourlès

BOLERO

Boléro
EditeurEditions Mondiales, 2 rue des Italiens, Paris 9ème
PériodicitéPublication hebdomadaire
Format24 sur 32 cm
Pages16 pages en 1950
Prix15 frs en 1950
AnnéesBoléro démarré en 1950 deviendra SECRETS DE FEMMES en 1954 puis en 1960 POUR VOUS MADAME/MODE DE PARIS

En 1950 une feuille volante, avec un fringant cowboy à cheval, brandissant un magazine à bout de bras, annonce la parution de Boléro, le journal pour tous ! Del Duca, grand producteur d’illustrés pour les jeunes, pour la famille et surtout pour la femme, songe à agrandir son écurie et lorgne vers une autre partie du lectorat, le public mâle qu’il entend conquérir par un hebdomadaire axé sur l’aventure tout acabit. Il reprend alors la formule copie conforme du magazine italien, Bolero, fondé en mai 1947.

Il surenchérit d’ailleurs en arguant qu’il s’agit de l’hebdomadaire moderne de l’aventure et il entend pour cela inclure dans cette nouvelle publication trois romans-photos à suivre, une page scientifique et une page sportive, axée sur les confidences de champions cyclistes et autres.

Les trois photos-romans (en 1953 il y en aura quatre !) sont en fait de grandes mises en scène, western, pirates, aventures exotiques ou contemporaines ; cela dépasse le cadre du roman-photo sentimental, le grand souffle de l’aventure nourrit dorénavant le magazine, accentué ou souligné par des courtes nouvelles (2 pages), souvent anonymes et des romans à suivre, tels “Les Amazones” (1950), grand roman d’aventures et de mystères par Jean Cosset.

Boléro abordera d’ailleurs tous les genres, y compris le polar, bien entendu, et même la science fiction, voyez la couverture du n° 35.

Tour cela accentué par la mention en bas de couverture: Voyages – Sport – Aventures – Mystère !

Toutefois Boléro attire surtout par des couvertures bariolées d’une extraordinaire puissance visuelle, dessins d’origine italienne, qui contribuent puissament au succès du magazine Il faut avouer qu’il y eut des couvertures d’une puissance dramatique indubitable et non dépourvue d’un charme érotique indéniable !

Boléro accentuera encore cet effet en publiant dès 1951 une deuxième illustration, pleine page, à l’arrière, pour le lecteur avide d’illustrations: c’était un recto-verso à ne pas manquer mais qui sera néanmoins évincé par des nouvelles de SF, dont quelques unes illustrées par Brantonne.

En 1951 d’ailleurs, Boléro passe à 24 pages et reprend de plus en plus de romans-feuilletons, les romans-photos en étant réduit à ne paraître que sur deux pages et parmi les romans publiés on reconnaît les noms de Jeremy York, George Harmon Coxe, John D. McDonald, Frank M. Robinson, William Campbell Gault et des nouvelles de Maurice Limat, Lucien Bornert, Yves Dermèze, Fredric Brown et Damon Knight…

Or visiblement en 1953 le ver est dans le fruit, Boléro perd les pédales et ne parvient pas à contenter son public: romans-photos mièvres, trop grande variété dans les textes, polar, amour, science fiction, il y a un peu de tout mais pas assez pour l’un ni pour l’autre.

Un an plus tard Boléro opte pour un hebdomadaire tout à fait familial, exit l’aventure et les beaux dessins. Famille et roman-photo sentimental sont les mamelles du succès…

Certes Boléro n’offre aucun attrait à l’amateur de BD, qui reste sur sa faim, mais il nous a, à l’époque, tellement frappé par le sublime de ses couvertures que nous ne pûmes résister au plaiser de le mentionner tel quel. Dont acte.

Des 16 pages en 1950 Boléro evolue rapidement vers les 24 pages pour 30 fr et fait la part belle au roman-photo, avec mise en scène soignée et ne lésinant pas sur les moyens. Boléro comptera jusqu’à 4 romans-photos de genres divers (aventure ou sentiment) par numéro. Tout à fait extraordinaire sera le graphisme époustouflant de la couverture (et quelquetemps aussi de la page arrière) : illustrations pleine page d’un sensationalisme frisant le sordide chauffeur attaqué par un aigle, scanphandrier au bord de l’asphixie, déraillement de train, femme défenestrée, j’en passé et des meilleurs)… Ces dessins pour la plupart d’origine Italienne (Molino, Bertoletti mais aussi parfois la patte de P.L. Brenot) seront l’élément phare qui attirerra le lecteur. Certains de ces dessins étant même franchement érotiques on y voit des poitrines féminines amplement dénudées, le galbe d’une cuisse ou d’une fesse… Yum yum !

Mais à part cela le lecteur de BD reste sur sa faim.

Boléro Boléro

LUI

EditeurSociété Moderne d’Editions et de Publications Françaises, 28 Bd Poissonnière, Paris 9ème
DirecteurMarcel Gros
Format27 sur 36 cm
Prix50 frs
AnnéesDémarre en 1959

Superbe magazine dans l’esprit de Boléro, couvertures de Ferrari, quelques BD historiques intéressantes et des romans-photos dans le même esprit.

Outre les 3 romans-photos on y voit démarrer, dans le n° 1, Madame Bovary sur trois planches et il est indiqué que le dessinateur est Duteurtre (ancien collaborateur de Marijac e.a. connu sous le pseudo de Dut).

Egalement sur trois pages, dans la série Roi et Reine de Coeur, démarre une BD historique, Napoléon et Josephine, texte de C.V. Dupuis et dessin de Novi, six cases par planche et avec sous-textes, mais c’est fort agréable à lire.

Pas mal quand même que Del Duca relance encore une fois une publication nouvelle avec photos-roman, mais où il inclut de la BD au moment ou L’Intrépide et Hurrah ! battent de l’aîle. En plus, contrairement à Nous Deux, cette fois il mentionne les noms des dessinateurs.

Hélas, j’ai bien peur que cette publication fut des plus éphémères…

Lui Lui

Prochain chapitre : Editions parisiennes

Première publication de ce texte : "Detective Story - Cahier BD III", éditions Kosmopolis/VPOB, 2013.

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