Ce Sergent JOË, je l’avais presque oublié. Mais de temps à autre il refait surface. Plusieurs fois, d’anciens lecteurs de O.K m’ont rafraîchi la mémoire. Le dernier en date est notre compère SOLO, qui avait un faible pour lui (SOLO était jeune à cette époque). Bien entendu tout cela n’est sûrement que sentimental, car au point de vue technique il laissait beaucoup à désirer.
C’était au temps des vaches maigres, au temps de mes débuts dans la BD, au temps où je ne voyais la BD que sérieuse et réaliste. Comme tout cela a changé depuis !
J’étais allé présenter quelques dessins à René DETIRE, un gars bien sympathique, qui était rédacteur en chef du journal. Cà a « croché » immédiatement. J’étais soufflé, moi qui étais entré dans son bureau les genoux tremblants, j’en suis ressorti gonflé à bloc, me prenant pour un grand artiste. Arrivé sur le trottoir, je ne me sentais déjà plus qu’artiste moyen et même plus artiste du tout, car René DETIRE m’avait montré quelques dessins exécutés par mes confrères de l’époque, KLINE, MOUMINOUX, POIVET, etc. Ces dessins étaient formidables, jamais je n’arriverais à faire quelque chose de semblable !
Enfin, j’avais une commande en poche : un texte à illustrer. J’ai fait ce que j’ai pu, et j’ai eu d’autres commandes, mais de façons différentes : plus de texte à illustrer, je travaillais sur des histoires qui n’existaient pas ! Je dessinais une grande illustration et une ou deux petites sur un thème laissé à mon choix et l’auteur pondait son texte au vu de mes dessins.
Puis vint le Sergent JOË.
Quand j’étais adolescent, je ne rêvais que du Canada, de la neige, des Indiens (ça continue), des trappeurs, de la « Cabane au Canada », de la vie belle et dure du Grand Nord. Et puis étant gosse j’avais vu un film qui m’avait paru sensationnel : ROSE-MARIE. Le représentant de la Police Montée m’avait énormément plu. Tout d’abord il avait un bel uniforme, ensuite il chantait bien, et en plus, alors là c’était le summum de mes rêves de gosse … il ouvrait une boîte de haricots qu’il faisait cuire dans une poêle sur un feu de bois ! …et tout cela au Canada naturellement.
On ne peut pas se figurer le nombre de boîtes de haricots que j’ai ouvertes et mangées par la suite, alors que je faisais du camping sauvage, seul ou avec des copains (le camping organisé n’existait pas encore). Tout cela pour ressembler à mon héros de la Police Montée !
Tous ces souvenirs m’étant brusquement revenus en mémoire, je me suis dit : « Pourquoi pas ? » et j’ai mis au point le Sergent JOË. Mon rêve était (presque) devenu une réalité.
Malheureusement, comme tous les rêves il n’a pas duré ! Dommage, je l’aimais bien ce type qui mangeait des haricots !
Un jour René DETIRE et un ses collègues m’attendaient de pied ferme à la rédaction. A peine entré on me pose la question suivante : « Connaissez-vous MONIER ? ».
J’avais beau chercher dans ma mémoire, nul MONIER n’occupait une des petites cases de mon cerveau. Je l’avouais humblement, vraiment confus de ne pas connaître de MONIER. Les regards se vrillèrent de plus en plus sur moi, je me sentais très mal à l’aise… J’avais l’impression de subir un interrogatoire. Je réussis à articuler : « Pourquoi ? ». « Oh pour rien… » et on parla d’autre chose.
Ce n’est que beaucoup plus tard, par recoupement, que je compris... Quelqu’un avait écrit à O.K pour exprimer sa satisfaction en lisant les aventures du Sergent JOË. Je l’ai appris parce que ce lecteur enthousiaste me l’a dit au cours d’une banale conversation. Etant adolescent, quand il découvrait une BD qui lui plaisait, il écrivait au journal et distribuait force compliments.
Ce lecteur était Noël MONIER, que j’ai connu à FLEURUS et qui faisait fonction, à l’époque, de rédacteur en chef de CŒURS VAILLANTS. Ainsi j’avais réussi à me faire UN « fan » à O.K ! Ce qui me gêne encore, c’est de penser que René DETIRE a peut-être cru que Noël MONIER avait écrit sur ma demande, pour me faire « mousser » auprès de la direction de O.K …
Ci-joint un dessin supposé ressemblant du Sergent JOË. Tout cela est si loin et je n’ai conservé ni dessin ni même un journal. Rien, je n’ai plus rien sur mon passage à O.K, que les rares souvenirs que je viens de conter.
Il a également travaillé pour la « grande presse » dans L’AURORE et LE PARISIEN LIBÉRÉ.
Il a reçu en 1972 le prix du syndicat des dessinateurs de presse.
Dessinateur oublié par les « spécialistes » de la BD, malgré l’importance de son œuvre, HOP ! se propose de vous le faire redécouvrir dans un prochain numéro.
Roger BUSSEMEY fait partir de ces dessinateurs qui œuvrent depuis la fin de la guerre et qui, malgré une longue carrière, preuve de leur talent, restent peu connus du public et totalement ignorés des exégètes. On le classe assez facilement, dans « l’écurie » FLEURUS, car c’est là qu’il a apporté le plus de BD et créé les personnages qui font son succès auprès des lecteurs, MOKY, POUPY et leurs comparses NESTOR et NESTORINE.
Comme RIGOT, BREYSSE, BONNET, ERIK, GLOESNER, D’ORANGE, BROCHARD, CHÉRY, MOUMINOUX et tant d’autres, il a été et est encore un des piliers de FLEURUS et chaque semaine dans FRIPOUNET il apporte aux jeunes lecteurs une part de rêve et de rire.
Il est temps de vous faire découvrir celui qui a su (et qui continue) grâce à ses BD, charmer et amuser des générations de lecteurs.
Né le 4 octobre 1920 à Héricourt (Haute-Saône) il est « monté » à Paris en 1942 pour illustrer un bouquin de jeux pour enfants. Malheureusement le manque de papier (c’était l’occupation allemande) fait avorter le projet …
Un jour, la ville organisa un concours de dessin. J’avais dix ans. Le thème : « Son papa qui fend du bois ». J’ai eu le premier prix : 25F (en 1930) déposés sur un livret de Caisse d’épargne, et mon dessin fut exposé au musée de la ville. Vous parlez si j’étais le roi !
En 1933, je me retrouve dans le plâtre (un accident stupide) pendant deux ans. C’est long deux ans quand on voit ses petits copains aller jouer dans la forêt et que vous êtes rivé à une chaise longue. Alors on me donna des journaux d’enfants : Pierrot, Lisette, le journal de Mickey (le n°1), le Petit illustré, l’Epatant, etc… des albums : Zig & Puce, Bicot, etc... Et j’ai commencé à rêver. Tous ces héros de B.D que je voyais m’emportaient dans des aventures merveilleuses. Alors je me suis créé d’autres aventures... les miennes... je les dessinais. Je n’ai jamais autant voyagé que lorsque j’étais immobile ! ...
La guérison est enfin arrivée, puis l’examen du brevet élémentaire... puis les paquets de macaronis (et pas question de prendre des leçons de dessin : vous pensez... un métier de crève-la–faim !). Puis Paris… Alors là, ça devient sérieux. J’étais toujours mordu par le dessin, que je travaillais le soir, seul, après mon travail…
Un jour, je vois la publicité d’une école de dessin par correspondance. Et, dans les différentes disciplines présentées, le dessin animé. J’ai voulu savoir ce qu’était le dessin animé : je me suis inscrit au cours. Au bout de trois ou quatre leçons et deux après-midis chez Jean IMAGE (triste) j’avais compris. C’est alors que l’école de dessin organise une exposition de ses élèves, rue Royale à Paris. Naturellement j’exposais : ça ne coûtait rien ! Il fallait écrire un scénario et créer des personnages : ce que je fis... et le jour où je me fis licencier de l’usine d’aviation je recevais un engagement pour le studio de dessin animé ! Un coup de pot !
Le metteur en scène et son adjoint étaient des dessinateurs formidables. J’ai appris beaucoup de choses avec eux ; ce sont eux qui m’ont mis le pied à l’étrier.
Je ne suis donc qu’un autodidacte.
1958, c’est donc la création des aventures de Moky et Poupy une série proche de Woopy mais en humoristique.
Hé oui, encore des indiens ! … FLEURUS m’avait demandé de leur proposer des personnages. Sur plusieurs projets proposés, Moky et Poupy ont été retenus. Je me sentais plus à l’aise dans l’humoristique. Cà permettait des situations plus cocasses et plus explosives que dans le réaliste. Mais il y avait toujours les bons (Moky et Poupy) et le méchant (Renard Rouge).
J’ai choisi un ours (Woopy avait bien un loup) car il y a un petit côté sentimental. Quel est l’enfant qui n’a pas eu un « nounours » quand il était petit ? Ceci dit, Nestor n’est pas arrivé dans l’histoire pour répondre au changement de titre. Ca s’est fait tout bonnement au cours du déroulement d’une histoire.
Par contre, l’arrivée de NESTORINE m’a été imposée par les lecteurs. Au cours d’un récit, Nestorine, « la petite oursonne qui sait beaucoup de choses », était intervenue pour apprendre à Nestor à se tenir sur une bicyclette … puis, à la fin de l’épisode, elle repartait dans sa forêt. Plus de 10.000 lettres et dessins d’enfants sont arrivés à Fleurus, réclamant son retour ... Nestor se marierait avec elle et ils auraient beaucoup d’oursons... J’ai donc été obligé de la faire revenir au récit suivant. Les lecteurs commandent n’est-ce pas ?
Pour « Yan et Jonas », c’est différent, ils ont été tués par Moky et Poupy. On ne peut pas faire passer dans le même journal deux séries qui ont le même style de dessin.
Et Bergamote est née, Jane Stove ensuite. Malheureusement Line a disparu. Dommage, quoique réalistes, j’aimais bien ces deux héroïnes.
Mais dans l’humoristique c’est plus délicat. Il faut arriver à faire équipe avec son auteur. Et si l’auteur n’est pas lui-même un humoriste, ça grince. Les seuls textes sur lesquels j’ai aimé travailler en humoristique étaient les textes de Goscinny. Mais on ne trouve pas des Goscinny à chaque coin de rue... C’était un grand maître.
J’abandonnais PILOTE lors du changement de formule ; je perdais beaucoup trop de temps aux réunions hebdomadaires pour un résultat à peu près nul. Car, parmi les dessinateurs, il y avait les « vedettes » et... les autres. Je faisais partie des autres (normal, j’étais nouveau venu). Pourtant, Goscinny m’avait dit, après avoir vu mes premiers dessins réalisés d’après ses textes pour « Pilote-Pocket » : « Epatant ! ... tout à fait ce que je voulais ! Vous allez avoir du travail, mais il faudra suivre hein ? »
Dès le changement de formule, je n’ai plus rien vu venir, malgré ma présence assidue aux réunions ; alors j’ai senti que ma présence à Pilote n’était plus utile. J’ai laissé tomber.
Je sais qu’il était « soupe au lait » et explosait facilement lorsque quelque chose n’allait pas comme il le désirait, mais c’était un grand cœur caché derrière une rudesse apparente. Je me souviens qu’un jour un de nos confrères, dont je tairai le nom, était venu travailler avec des baskets aux pieds. Del Duca avait remarqué ce détail et, croyant que notre confrère n’avait pas les moyens de se payer une paire de chaussures, lui avait fait porter de l’argent.
J’ai collaboré à pas mal de journaux pour enfants, j’ai donc connu un nombre important de rédactions. C’est à Fleurus que j’ai été le mieux accueilli. C’est à Fleurus que j’ai trouvé la meilleure ambiance. C’est peut-être pour cela que j’y suis resté si longtemps. Mes rapports avec les nombreux rédacteurs en chef que j’ai rencontrés ont toujours été parfais et amicaux.
Du jour où j’ai pu m’installer dans un atelier (trois pièces) tout a changé. Il y avait une cassure entre le travail et la vie familiale. Mieux organisé, je produisais plus facilement. Et puis chaque jour, je partais travailler à heures fixes comme tout le monde. Bien entendu il n’était pas question de la semaine de 35 heures !
Je m’accordais un week-end tous les quinze jours... Autrement, travail tous les jours de 8h du matin à 19h le soir avec une pose de deux heures à midi (quelquefois une heure, suivant le travail à livrer). Dans notre métier, je crois qu’une très bonne organisation est nécessaire : ça simplifie terriblement.
D’où la nécessité de la cassure entre le travail et la vie familiale. Ce n ‘est pas toujours facile, mais avec un peu d’organisation on limite un peu les dégâts.
Mais parmi les albums proposés dans les librairies, combien obtiendront la notoriété et seront suivis ? Et pourtant il y en a de magnifiques, de véritables œuvres d’art (je me sens tout petit avec mes personnages rigolards). Et ce n’est pas fini, le dessin s’améliore de plus en plus, les textes aussi, les présentations également. La BD est un art populaire ? Peut-être. Mais elle n’a pas fini de grandir et de nous étonner dans des domaines tout à fait différents. Je ne dis pas qu’elle apportera la fortune à tous les auteurs et dessinateurs, malheureusement ! Tout dépendra toujours de l’éditeur. Avec un bon éditeur dynamique, un vrai, un éditeur qui connait son métier, il est plus facile de réussir... surtout s’il fait « équipe » avec vous (comme l’auteur et le dessinateur) : cela existe.
En 1966, je décide de « tâter » la peinture. Oui, une idée comme ça... pour voir... J’expose au Salon des SURINDEPENDANTS. Je ne pouvais exposer dans d’autres salons, on ne voulait pas de moi ! C’est très fermé, ces trucs-là ! Heureusement, les Surindépendants acceptaient n’importe qui … et comme j’étais n’importe qui...
Il se passe alors une chose incroyable : je reçois des propositions d’exposition d’innombrables galeries disséminées à travers toute la France. Je fais mon choix - oh un tout petit choix - et j’envoie des toiles. Voici le résultat :
1966 CANNES | 1e prix de portrait (coupe Ricard)
2e prix de composition |
DEAUVILLE |
Finaliste Grand finaliste (composition) |
1967 CANNES |
1e prix de portrait (rebelote)
2e prix de composition |
NICE |
Médaille de bronze (composition)
Médaille d’or (portrait) Hors-concours (composition) |
DEAUVILLE | Grand finaliste |
1968 NICE |
Médaille d’argent du département de la Seine
Plaquette d’or, grand prix de New-York (composition) |
PARIS | Exposition particulière à la Galerie Soulanges rue de Rennes |
Eh bien j’ai laissé tout tomber : je n’avais plus le temps de peindre, la BD m’accaparait entièrement. De cette expérience très intéressante, il me reste des diplômes, des médailles, et j’ai acquis une conviction : à moins d’être un grand artiste, un vrai, il vaut mieux faire de la BD que de la peinture, on mange mieux... et ça sèche plus vite à l’exécution !
La Marine Nationale, qui a des antennes un peu partout, a appris cela. Un dessinateur humoristique qui aime les bateaux et la mer, par ici la bonne soupe ! Un commandant de la Marine est venu à mon atelier, et... eh bien j’ai travaillé pour « la Revue Maritime » puis pour « Cols Bleus ».
Maintenant je suis ancré à la campagne ; je n’ai plus de bateau, mais je continue à travailler de temps en temps pour la Marine : ça me change de Moky et Poupy.
Malgré les belles paroles de FLEURUS « Vous êtes le support de Fripounet » ... etc ... etc …, je me suis vu élégamment supprimer plus de 50 % de mon travail … après 29 ans de collaboration ! Il est vrai que je devenais trop cher avec l’ancienneté. Mieux vaut employer de jeunes dessinateurs ayant encore beaucoup de progrès à faire (mais ils y arriveront) et les payer moins cher … bien moins cher … La crise économique est là : il n’a pas de petites économies, n’est-ce pas ? … Tant pis pour les lecteurs.
Et puis l’âge de la retraite est arrivé, mes histoires en cours terminées, je vais probablement quitter FRIPOUNET.
« Quitter FRIPOUNET » ... ça me fait quelque chose de déclarer cela ... Pas de larmes à l’œil, j’ai encore des projets.
Tout d’abord écrire et dessiner un premier album de Moky et Poupy et de la tribu des « Pieds-Agiles ». Peut-être aurai-je la chance de trouver un éditeur, car la clientèle de Moky et Poupy existe bel et bien. Pensez au nombre impressionnant de parents et d’enfants qui connaissant les personnages après plus d’un quart de siècle de parution régulière ! Rien n’ayant été fait au point de vue albums, et Moky et Poupy ne paraissant plus dans la presse enfantine, il y a sûrement quelque chose à étudier.
Et puis, il y a ma peinture. Je la reprendrai si je ne trouve pas d’acquéreur pour mes personnages. Oh, je ne pense pas m’ennuyer, mais tout de même, je dois avouer que je voyais une autre fin à la grande aventure de Moky et Poupy et de Nestor ! Voyez-vous, dans la vie de la BD, il suffit d’une toute petite chose, mais ô combien difficile à trouver : avoir la chance de travailler avec de vrais professionnels de l’édition.
Allons, soyons optimistes, le soleil se lèvera encore demain…
Il aura donc peu profité de sa retraite qu’il avait prise quelques temps auparavant. Retraite bien méritée car il avait derrière lui une longue carrière, prolifique en BD en tous genres, de style humoristique ou réaliste.
Dans sa dernière lettre, en février 88, il nous faisait part avec humour de ses problèmes. Il devait se faire opérer de la cataracte : « Vous parlez si c’est amusant ! Je ne peux plus dessiner, je ne peux plus conduire ma voiture, je vois deux routes … Si encore j’en voyais trois, je prendrais celle du milieu ! ».
Modeste, il a été rarement invité dans les salons ou interviewé par des fanzines. Sa longue carrière est évoquée dans le numéro 38 de HOP ! où il avait accepté, avec gentillesse de répondre à nos questions. Il était un fervent lecteur de notre journal auquel il apportait un soutien sans réserve.
Il a travaillé pour Lisette, Pierrot, Jocko, Pilote, Line, O.K, L’Intrépide, etc ... Mais c’est surtout pour sa longue (29 ans) collaboration aux éditions Fleurus qu’il était connu et plus précisément pour sa plus longue et plus célèbre série « Moky, Poupy et Nestor » qui firent les beaux jours du journal « Cœurs-Vaillants » puis de « Fripounet ».
C’est avec regret que nous parlons de lui dans cette rubrique et nous espérons que tous ceux qui ont apprécié son talent ne l’oublieront pas. L’avantage de la BD c’est que, même si l’auteur disparait, les images qu’il a créées restent. Pour nous, elles nous rappelleront toujours un homme sympathique, qui n’avait pas la « grosse tête » et qui avait su charmer des générations de lecteurs. Je crois que c’est le plus bel hommage qu’on puisse lui rendre.
Facile Lagachette a vécu huit récits complets dans les pages de « Formule 1 » en 197l (n°15, 22 et 37) et 1972 (n° 4, 8, 26, 39 et 47).
Roger BUSSEMEY est né en Haute-Saône le 4 octobre 1920 à Héricourt où ses parents tenaient une épicerie. A l’âge de 22 ans, il « monte » à Paris. Nous sommes en 1942 et c’est l’occupation. Il travaille d’abord dans une usine d’aviation puis dans un studio de dessins animés où il commence à dessiner, de 1943 à 1944. Mais le STO (Service du Travail Obligatoire) veut l’envoyer travailler en Allemagne et, comme beaucoup de jeunes, il prend ses distances pour ne revenir à Paris qu’à la Libération.
En 1945, il entre dans une maison qui fait des films publicitaires et en 1946 il commence sa carrière dans la BD par la grande presse (L’Humanité, Le Parisien Libéré, L’Aurore). Il a la chance d’être accepté par les Editions de Montsouris pour lesquelles il réalise des petits fascicules humoristiques (Bob, Sylvestre, Zidore, Clodo) avant de commencer à travailler dans les hebdomadaires pour enfants « Lisette » et « Pierrot ». Pour ce dernier il crée un personnage de petit indien qui aura son petit succès : Woopy.
A la même époque il collabore à « Jean Bart », « O.K » (avec le Sergent Joë), « Jocko » (Pantagruel et Bob & Coco), il participe aussi à des journaux corporatifs comme « La vie des Métiers », etc …
En 1956, il commence à travailler pour les éditions Fleurus et sa signature apparait dans les trois hebdomadaires du groupe : Cœurs-Vaillants, Ames-Vaillantes et Fripounet & Marisette. En réaliste ou humoristique, il livre des récits complets, histoires à suivre, couvertures et illustrations diverses. C’est en 1958 qu’il crée la série qui assurera son succès : MOKY & POUPY les petits indiens. Ils apparaissent dans des histoires différentes, à la fois dans Cœurs-Vaillants et dans Ames-Vaillantes numéros 25 (du 22.6.58).
En 1959, il ajoute à la série le personnage d’un ours baptisé Nestor. Celui-ci prendra de l’importance et, au fil des épisodes il deviendra un élément indispensable, véritable détonateur des histoires et des gags.
En 1961, « Moky, Poupy et Nestor » passent dans Fripounet où les plus jeunes lecteurs apprécieront, à juste titre, ces sympathiques personnages qui deviendront bien vite des piliers du journal contribuant au succès de ce dernier. Pour les besoins d’un épisode, l’auteur imagine une oursonne, Nestorine, qui disparait à la fin du récit. Mais devant la réaction des lecteurs (plus de 10.000 lettres) elle reviendra bien vite devenant à son tour aussi indispensable, par son caractère, que Nestor.
Dessinateur (et scénariste) prolifique, Roger Bussemey ne se contente pas délivrer régulièrement ses planches aux éditions Fleurus. Il collabore à d’autres titres pour la jeunesse et imagine bien d’autres personnages : « Bergamote » et « Jane Stove » pour LINE, « Les nouveaux voyages d’Ulysse » sur scénario de Sim, des RC et des jeux, pour PILOTE en 1968-69, « Monsieur Globe-Trotter » pour TOUT L’UNIVERS, « Tonton Barnabé » pour L’INTREPIDE, « Septazéro l’invincible » sur scénario de Claire Godet, pour LES PETITS JUNIORS DE TELE 7 JOURS « Tonton Laficelle » pour LA BATAILLE DES PLANETES, etc ... Et ce n’est pas tout, il a aussi réalisé de nombreux dessins humoristiques pour des revues spécialisées comme « Cols Bleus » ou « La Revue Maritime » et il a tâté de la peinture dans les années 60.
Après une trentaine d’années passées aux éditions Fleurus, en compagnie de « Moky, Poupy, Nestor et Nestorine », il décide de prendre sa retraite, un peu déçu par la tournure que prend la. BD et du désintérêt de son éditeur pour ses personnages qui sont pourtant les héros fétiches du journal. Ces derniers disparaissent définitivement, victimes de « changements » rédactionnels ...
Roger Bussemey n’aura guère le temps de profiter de sa retraite, le 6 septembre 1988, il décède dans sa petite maison de la Nièvre où il s ‘était retiré avec son épouse.
Depuis, peu de fanzines, salons, spécialistes, se sont penchés sur son œuvre pourtant importante et intéressante à bien des égards. Notre souhait, à travers cette modeste réédition, est de remettre en mémoire le talent d’un auteur qui mérite notre considération pour les nombreuses heures de plaisir qu’il a apporté à bien des jeunes.