Remember Bernard Dufossé
Cette page reprend tous les articles concernant Bernard Dufossé
écrits par Louis Cance dans Hop !.
HOP ! numéro 10 de 1976 : DUFOSSÉ
Bernard DUFOSSÉ est un dessinateur au style moderne, agréable et plein
de mouvement. Il excelle surtout dans les histoires mettant en scène
des enfants ou des adolescents. On a pu voir sa signature dans
«
Fripounet », «
Lisette/Nade », «
Record »,
«
Formule 1 », «
Djin », «
Kouakou », etc...
Actuellement il travaille surtout pour Fleurus avec divers récits,
dont « Mémory » avec Nadaud pour scénariste, « Franck et Drago » en
« à suivre », etc... ·et pour « Kouakou » revue destinée à l’Afrique
noire.
Nous espérons que le court entretien qui suit
vous permettra de découvrir et mieux connaître ce sympathique
dessinateur dont le talent mérite d’être connu.
Comment êtes-vous venu à la BD ?
Je suis venu à la BD par besoin de transposer en dessin les histoires
que je lisais étant enfant. Comme beaucoup j’ai fait 3 ans d’école
de dessin (Arts appliqués - Arts graphiques), après quoi j’ai hélas
glissé vers la publicité.
Embourbé dans les maquettes d’affiches ou de boîtes de fromages je me
suis un jour décidé à me présenter, sans aucune relation, chez Fleurus,
puis chez Record où j'ai eu le plaisir de rencontrer M. Nicolas Goujon
qui cherchait justement une héroïne pour ses lectrices. Donc…
C’est la naissance de « Nathalie ».
Oui, création de Nathalie. Jeune fille actuelle, humaine, antistar,
en qui je faisais, à côté de l’action, transparaître un peu de
sentiments, chose assez rare dans la BD.
Pourquoi ce personnage a-t-il disparu ?
C’est la disparition hélas trop rapide de M. Goujon, puis l’« avènement »
de l’équipe rédactionnelle actuelle qui a mis fin à la carrière de mon
personnage. Je ne demande qu’à la voir reparaître un jour, car je pense
que les personnages féminins manquent ou sont assez rares dans la presse
enfantine en regard des héros masculins.
Donc plus de Nathalie, plus de Record, j’ai pu accroître ma collaboration
avec Fleurus et Kouakou où j’anime le petit héros africain du même nom.
Comment travaillez-vous ?
Je préfère, quand c’est possible, travailler au trait noir que je mets
ensuite en couleurs. L’apport de la couleur peut ajouter une atmosphère,
une ambiance, un sentiment à un dessin.
Après avoir longtemps travaillé sur vos scenarii, vous avez aujourd’hui
des scénaristes, que préférez-vous ?
Pour les scénarii, il y a longtemps que je désirais dire ceci : tous
les scénaristes devraient, au moins une fois, exécuter en dessin d’une
de leurs histoires, sinon être eux-mêmes dessinateurs. Pour ma part
je préfère travailler l’histoire entièrement, de l’idée de base jusqu’au
dernier coup de pinceau. C’est du travail, mais quelle satisfaction.
Votre dessin est très réaliste et remarquablement adapté au scénario.
Je suis en effet assez perfectionniste bien que le temps ne me permette
pas toujours de fouiller un dessin et en tant que dessinateur réaliste,
j’accorde presque autant d’intérêt au dessin qu’à l’histoire. Le
dessinateur est comme un acteur de cinéma qui aborde un scénario
de film.
Avez-vous des projets ?
Je n’ai pas vraiment des « projets » dans mes tiroirs, mais plein
d’idées pour un personnage féminin mi-réaliste, mi-fantastique dans un
monde très actuel. Je rêve de sortir des albums avec un personnage
bien à moi.
On a l’impression, dans vos premiers dessins, que vous avez subi
l’influence de Joubert ?
Vous avez visé juste en reconnaissant P. Joubert derrière mon style,
bien que je pense m’en être largement dégagé depuis longtemps et avoir
acquis mon propre style.
Quels sont vos dessinateurs préférés ?
Mes dessinateurs préférés ? Ils sont beaucoup trop nombreux pour les
citer tous.
HOP ! numéro 18 de 1978 : INVITÉ B. DUFOSSÉ
DUFOSSÉ est un dessinateur que nous vous avions brièvement présenté
dans notre numéro 10 avec la réédition d’un épisode de « NATHALIE ».
Aujourd’hui, à l’occasion ce « Spécial BD » pour lequel il a bien voulu
nous autoriser à reprendre 4 épisodes de sa série « TARHN », nous
l’avons interviewé plus longuement. A travers ses réponses vous
découvrirez un dessinateur enthousiaste, qui aime son métier, bien
qu’il ne soit pas toujours récompensé en retour.
(...)
Un mot encore pour dire que les éditeurs qui se plaignent du manque
de dessinateurs réalistes « classiques » ne savent sans doute pas
ouvrir leurs yeux, car Dufossé est le type même du professionnel
plein de talent et qui ne demande qu’à s’exprimer.
Quelles ont été vos lectures de jeunesse et est-ce que cela a
influencé votre décision de vous lancer dans la BD ?
Avant toute chose je veux remercier «
HOP !» et derrière sa
façade mon ami Louis Cance, qui me permet de m’exprimer ici, ce qui
n’arrive pas tellement souvent aux auteurs de BD, cachés derrière
leurs personnages. On est toujours étonné, après avoir sacralisé tel
ou tel dessinateur comme je le fis dans ma jeunesse d’un Pierre Joubert,
d’un Marijac (pour Jim Boum) ou d’un Hogarth, de découvrir un homme
comme les autres avec sa place à tenir dans la société, avec ses
petits problèmes, et son « beefsteack à gagner ».
Et justement pour en revenir à mes lectures de jeunesse je peux dire
que je planais littéralement avec les livres « Signe de piste »
qu’illustraient P. Joubert et d’autres. « Les récits d’aventures,
les découvertes mystérieuses, les luttes héroïques et chevaleresques »
(cette phrase était imprimée au dos de ces bouquins), ça sentait le
vent du large, l’amitié, l’espace.
Tarzan aussi, ce seigneur. Non seulement « de la jungle » mais dans
son comportement. Pour moi il aurait pu exister, c’est lui qui m’a
donné cette naïve passion pour l’Afrique et les africains, qui
transparait dans mes travaux. Je dessinais beaucoup, partout,
tout le temps, délaissant mes devoirs scolaires, et plus tard, les
trois écoles de dessin successives où j’appris tout de même un métier :
la publicité. Je ne le regrette pas, elles m’ont donné le sens de la
précision dans le trait et celui de l’anatomie.
Quelle a été votre première publication dans le domaine de la BD ?
Après quelques années de « pub », donc, je vais frapper chez « RECORD »
(Bayard Presse) où j’ai la chance et l’honneur de rencontrer un homme
dont je garde un souvenir mêlé d’admiration, de respect et d’affection :
Monsieur Nicolas Goujon. Je n’ai plus jamais rencontré quelqu’un comme
lui. Il me demande de lui proposer un personnage féminin qui manque au
journal.
C’est la création de « NATHALIE », un peu boy scout au début (je traine
encore mes idées de jeunesse), mais qui va s’étoffer, à tous points de
vue d’ailleurs. Elle vivra presque 10 ans, d’octobre 1965 à juin 1974.
NATHALIE c’est un peu ma petite fille perdue.
Est-ce que ce personnage féminin, assez rare à l’époque, surtout dans
un journal de garçons, ne vous a pas posé de problèmes ?
Des problèmes ? Non. C’était justement une fille comme les autres,
qui mangeait, dormais, qui rigolait, qui souriait, qui se mettait
en pétard contre se copines ou son petit ami, un jeune voyou repenti
que je lui avait judicieusement adjoint pour la décharger du rôle
de garçonne qu’ont trop souvent les héroïnes de BD. A lui les coups
de poings qu’il distribuait largement, à lui les bosses, les
casse-gueule en voiture, le rôle du « mec » quoi ! C’est justement
pour cela que les garçons acceptèrent NATHALIE d’emblée. Elle n’était
pas du tout « gnangnan ». Je recevais beaucoup de lettres de lecteurs
et lectrices, ça marchait à 98 % (y a toujours des mécontents !).
Mais voilà ! La rédaction a changé et adieu Nathalie. J’ai assisté
impuissant, après la « grande épuration », au naufrage, au sabotage
de « Record », tel le vieux marin devant le nouveau capitaine jetant
son navire sur les récifs. Le ou les responsables s’en sont tirés, sans
doute, laissant à la mer les membres de l’équipage qui se nommaient
Lenoir, Dorville, Tabary, Dubouillon, Acar et Sidney, Chakir, Brétécher,
Erik, Marculetta, Lob, Garel…
Vous avez aussi travaillé pour « Lisette/Nade » sur diverses séries ?
Oui. Dans le même temps, j’allais frapper à la porte du journal
«
Lisette » qui m’engagea, sans doute au vu de mes personnages féminins
(je venais de sortir le premier épisode de Nathalie).
Je faisais de la fille à tour de bras, réaliste et humo avec des
scénaristes comme H. Robitaillie, I. Gendron ou JM. Pélaprat.
Mais vint chez « Lisette », parallèlement au vent de changement survenu
chez « Record », un goût prononcé pour le barbouillage, la purée de
couleurs. Bon effet on trouve très rusé de faire faire les couleurs par
d’autres personnes que le dessinateur sans que celui-ci ne puisse donner
son avis.
Changement de rédaction là aussi et quelques temps après PLOUF !
nouveau naufrage.
Heureusement (ou malheureusement ?) j’eus la chance d’être récupéré
par Fleurus. Je dis malheureusement car tout en me permettant de n’être
jamais à court de travail, cette bouée de sauvetage m’empêcha d’aller
frapper à d’autres portes où j’aurais peut-être rencontré des gens qui
m’auraient permis de donner ma mesure avec un personnage qui aurait
tenu, se serait peu à peu imposé et aurait fait sa place dans l’esprit
du public. Mais il fallait surnager, parer au plus pressé.
Donc vous avez commencé à « Fripounet » avec des illustrations
d’enfants ?
Oui. C’est avec plaisir que je fis encore des petits gars et des
petites filles pour «
Fripounet ». Puis des séries pour «
J.2
Magazine » : « Valentine », avec Rouillard pour scénariste
puis « Les prisonniers de l’Espace » (texte et dessin) dans lequel
je montrais mon goût pour la science-fiction, mais une science-fiction
exempte de monstres, d’humanoïdes super intelligents, une
science-fiction qui pourrait exister, humaine quoi.
HELAS ! on changea de rédacteur en chef…
Et puis, il y a « Franck et Drago » dont le scénario était de J.M.
Nadaud. Ca, ça me plaisait bien. C’était viril, ça bougeait, ça a bougé
dans « Formule 1 » pendant plusieurs années…
Oui, cette série a été brutalement et bizarrement interrompue,
pour quelles raisons ? Elle avait pourtant du succès et les personnages
commençaient à être connus ?
Je ne sais pour quelles raisons, malgré mes protestations écrites
ils ont été supprimés du journal. J’aime mieux ne pas chercher à
comprendre. Je n’ai jamais eu d’explications de la part de la rédaction
mais j’en garde toujours une certaine amertume qui se ressent d’ailleurs
dans ma façon de traiter les dessins de la nouvelle série « Anna
et Cie ». D’autres s’en moqueraient du moment que le travail continue
mais je n’y peux rien je m’attache à mes personnages. « Frank et
Drago » j’en suis certain avaient un impact auprès des enfants au point
de recevoir des lettres nous demandant comment nos deux bonshommes
avaient préparé tel voyage en Afrique ou s’ils pouvaient répondre
eux-mêmes au courrier.
Pendant ce temps avec Nadaud comme scénariste, j’illustrais
chez « Djin », bien avant la sortie du film « La guerre des étoiles »
les aventures d’un androïde métallique nommé « Mémory » et de sa petite
maîtresse « Myrtille », Princesse d’un monde disparu détruit par de
méchants envahisseurs. Histoire qui se perdit à son tour dans les
confins des galaxies.
Vous collaborez également à des revues destinées à l’Afrique,
« Kouakou », « Calao » etc...
Oui, parlons plutôt de ma collaboration avec les journaux africains.
Cela remonte à février 1972. Cette fois c’est un coup de téléphone qui
a tout déclenché. Cela n’avait l’air de rien, quelques pages d’un petit
journal nommé «
KOUAKOU », à faire à côté du gros boulot.
Les aventures d’un petit bonhomme noir de 10/12 ans, bien sympathique
et très intelligent. Puis vint s’ajouter «
CALAO », également
pour un public africain mais plus âgé, où l’on peut lire des bandes
sur le foot, les randonnées à travers l’Afrique, les musiciens de jazz.
Par la même source je dessine pour des quotidiens (exemple :
«
Fraternité Matin » d’Abidjan) qui me demandent des bandes
vraiment adultes.
Comment se déroule votre collaboration ?
Sans difficulté (pour l’instant). Je fournis les dessins à un bureau
parisien qui fait imprimer les journaux et les expédie dans tous les
pays francophones africains. Il parait que «
Kouakou » y est très
connu et je me demande si je ne ferais pas bien d’aller vivre là-bas.
Est-ce que cela ne vous a pas posé de problèmes graphiques concernant
la façon de représenter des africains sans pour cela tomber dans la
caricature (très mal acceptée en général) ?
Non. Je l’ai dit plus haut j’aime dessiner les gens tels qu’ils sont
et si vous étudiez bien la race noire, les gens en général sont beaux.
Ils aiment donc se retrouver, c’est naturel. Cela ne m’empêche pas de
faire une sale gueule au méchant. Il y a des sales gueules dans toutes
les races. De plus le personnage noir par lui-même apporte à l’image
un graphisme, une esthétique supplémentaire, une « couleur » si j’ose
dire.
Il faut quand même faire attention à ne pas trop caricaturer et
nous nous efforçons, le scénariste et moi, à ne plus tomber dans
le style « Y’a bon Banania » ce qui ne serait pas toléré effectivement
Pour ces séries vous avez donc des scénaristes ?
Oui, surtout Serge Saint Michel, professeur de français et d’esthétique,
qui me fournit très judicieusement la documentation adéquate, ce qui
fait croire que je connais l’Afrique par cœur. Mais ce scénariste
possède surtout un sens de la poésie et de l’âme africaine qui touche
certainement l’esprit du public. C’est une chance pour moi de travailler
avec lui.
Donc pas trop de problèmes pour la documentation ?
Cette documentation me fait parfois défaut quand même, ne serait-ce que
pour connaître la vie quotidienne dans un village, l’intérieur d’une
case, le mobilier, etc... mais peu à peu nous commençons à devenir
des « spécialistes des questions africaines », c’est toujours une
consolation.
Avez-vous des rapports avec vos lecteurs ?
Oui, mais trop peu à mon goût. Ou par l’intermédiaire de la rédaction.
Vous savez, c’est comme partout, tant que c’est bien on ne vous dit
rien. Des lettres arrivent, pleines d’enthousiasme, de compliments...
Bon ! Très bien ! D’autres m’écrivent directement, toujours très
gentiment. Souvent des adultes amateurs de dessins. Mais j’aimerais
avoir plus de contacts, de correspondants. Ca viendra.
On m’a promis (cela fait 4 ans) de m’envoyer en reportage...
Parlez-nous de votre dernière création pour « Djin » : TARHN,
Prince des étoiles. Etes-vous attiré par la science-fiction, pourquoi ?
TARHN, Prince des étoiles !... Oh là ! Il faut y aller doucement !
Celui-là c’est mon petit dernier... Je le couve. Je le dorlote. Je ne
voudrais pas que les « petits cochons » me le mangent, comme Nathalie
et autres... TARHN, c’est un chevalier moderne, ce n’est pas « Superman »
mais il a retrouvé des « pouvoirs » que les hommes nos ancêtres, ont
peut-être possédé il y a très longtemps réellement, la lévitation,
la télépathie, le magnétisme, etc...
La science-fiction ne m’attire pas, elle m’a déjà avalé. Elle peut tout,
c’est le moyen d’échapper au quotidien. C’est du rêve et le REVE c’est
du pain qui n’est jamais rassis.
Etes-vous tenté par la BD adulte ?
La BD adulte, celle qui ne se lit, en principe, qu’à partir de 18 ans
me tente également. Mais attention, on risque d’être vite étiqueté et
de ne plus pouvoir revenir à la BD proprement dite. De plus elle est
souvent très mal et très pauvrement servie, débile ou vulgaire.
Ce qui me tente, c’est le fantastique, le phantasme. Jusqu’à présent
je me suis toujours senti bridé. C’est pour cela qu’à côté de la BD
je dessine pour moi des trucs délirants.
Que pensez-vous de la situation actuelle de la BD, de la situation
des dessinateurs, bref de votre métier ?
Bah ! Cette question touche bien des sujets. Je ressens comme dans la
peinture, le cinéma ou encore la chanson, une emprise de l’argent,
du snobisme, du copinage. On s’est aperçu soudain que la BD faisait
vendre, c’est devenu un marché comme le disque et c’est au moment où
l’on s’est mis à en parler partout, dans la presse, à la radio, à la
télé, que les supports se sont écroulés les uns après les autres,
alors que des centaines de jeunes se précipitent maintenant dans ce
métier, illusionnés par le miroitement de la réussite d’une poignée de
vedettes qui commencent elles-mêmes à dégringoler.
Je ne crois pas à une véritable carrière dans la BD. Elle n’a pas de
lendemain. C’est un passage. Tôt ou tard on doit se reconvertir.
La BD on lui court après, on se plie à ses caprices, à ses modes,
à moins de s’imposer. Mais combien y-a-t-il d’Hergé pour des centaines
d’inconnus ?
Nous savons que vous pratiquez également la peinture, considérez-vous
la BD comme un moyen d’expression mineur par rapport à la peinture ?
Justement la BD n’est pas pour moi un moyen d’expression mineur.
Quand on dessine un enfant qui rit, une fille qui pleure, un homme en
colère, on y met ses tripes, du moins c’est ce que je ressens. Même
quand le scénario semble insignifiant, le dessinateur JOUE. C’est
un ACTEUR. La page est une scène de théâtre. C’est LUI le DESSINATEUR
qui rigole, LUI qui pleure, LUI qui rêve ou qui hurle. Ou alors il ne
dessine pas avec son cœur. D’ailleurs, devant ma table il y a une glace.
La peinture c’est bien. Mais ça ne « bouge » pas quand c’est fini.
On l’accroche au mur. C’est vachement BEAU. Point. La BD c’est la vie,
c’est autre chose.
Vos récits de « TARHN » sont réalisés entièrement en couleurs sur
l’original, que pensez-vous de ce procédé. N’enlève-t-il pas une partie
de la spontanéité du dessin ?
Je ne pense pas. La couleur me permet des effets spéciaux que l’on
ne peut avoir en noir. De toutes façons je mets la couleur en dernier
quand tout le trait est exécuté. Je peux ainsi obtenir des dégradés,
des silhouettes uniquement indiquées en couleur, des couchers de soleil
sans trait noir par exemple. Le seul inconvénient c’est à l’impression
qui s’avère souvent catastrophique.
Parlez-nous du Dufossé secret que le public ne connait pas, quels sont
ses goûts en matière de musique, de distractions, etc…
C’est une question délicate. Je ne voudrais pas m’étaler ici… Je suis
avant tout rêveur. J’ai beaucoup de mal à admettre le côté matériel des
choses, l’argent, la paperasse. Je ne suis ni un commerçant ni un
démarcheur, dans un métier où il faut sans cesse savoir vendre, pousser
son pion… HELAS !
Je gratte la guitare depuis pas mal d’années et touche un peu à l’orgue
électrique. J’aime Brassens, Brel, Les Beatles, Les Pink Floyd… Je
m’envole à l’écoute du Tanhaüser de Wagner, je coule dans les larmes
de Tristan et Isolde et mes moments, très rares de liberté me conduisent
parmi les rocs tourmentés des gorges du Tarn où les volcans pelés du
Massif Central.
Je fais de la peinture, c’est vrai·, mais je suis incapable de la vendre
car j’y suis trop attaché.
Est-ce que ça pose des problèmes dans les rapports avec la famille
d’être dessinateur ?
Oh oui. Tout d’abord l’indisponibilité ! Demandez donc aux femmes
de mes collègues si elles n’ont pas souvent râlé de voir leurs
« dessineux » de maris rester à leurs tables de travail le dimanche,
ou à Noël, ou pendant les grandes vacances, pour fournir le travail
à temps.
C’est une chance de vivre avec une personne qui partage pleinement
ses goûts et accepte avec grâce les aléas de ce métier. J’ai cette
chance.
Et c’est mon métier, je l’aime, malgré ses défauts. Et s’il fallait que
je le quitte pour des raisons « économiques », chez moi, en douce,
je me ferais bien une petite BD, comme ça, rien que pour le plaisir !
Interview réalisée en février 1978.
DERNIERE MINUTE : Une bonne nouvelle, « Franck et Drago » vont bientôt
vivre de nouvelles aventures dans « Formule 1 ».
HOP ! numéro 146 de 2015 : DOSSIER LISETTE MAGAZINE
DUFOSSÉ Bernard. Né en 1936. Après un passage dans la pub1icité, il est
entré à
RECORD en 1965 où il a créé NATHALIE, une bonne série
qu’il animera jusqu'en 1974. En même temps, il est engagé par
LISETTE
pour qui il va illustrer des romans, des histoires à suivre ou complètes
jusqu’à la fin de ce titre. Dès 1964, il est aussi dans les revues
éditées par Fleurus. Outre des histoires diverses, i1 va y créer TÄRHN
LE PRINCE DES ETOILES (9 albums chez Glénat). Il dessine également
l’adaptation BD du CLUB DES CINQ (MICKEY et albums Hachette), collabore
aux journaux scouts, à
KOUAKOU pour l'Afrique, sans compter des
albums didactiques, historiques ou publicitaires, avant de se 1ancer
dans la BD érotique sous 1e nom de Hanz KOVACQ.
Pour LISETTE MAGAZINE, il a signé quatre récits complets
seulement mais surtout de nombreuses illustrations et couvertures.
(Voir HOP ! n°18 : interview).
HOP ! numéro 151 de 2016 : REMEMBER BERNARD DUFOSSÉ
C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de notre ami
Bernard DUFOSSÉ (B. Duf.) survenu à Hyères le 21 août 2016 à l’âge de
80 ans.
Il était né à Le Raincy (Seine-Saint-Denis) le 11 juin 1936 et son
enfance a été bercée par la lecture des "Signe de piste" illustrés par
Pierre JOUBERT, des romans d’aventure et des illustrés. Il appréciait
MARIJAC et son COQ HARDI mais aussi le TARZAN de HOGARTH. Il
dessinait beaucoup et c’est tout naturellement qu’il a voulu en faire
son métier. Après trois écoles de dessin successives dont les Arts
Appliqués, il débute professionnellement dans la publicité.
Pendant quelques années il réalise des affiches publicitaires, des
maquettes de boites d'emballage, etc. Il se perfectionne et envisage
de tenter sa chance dans la BD. On a toujours tendance à penser qu’il
a débuté fin 1965 avec NATHALIE dans RECORD. En fait, début 1964,
il a commencé à prospecter et frappé à la porte des éditions Fleurus.
La rédaction de J2 MAGAZINE lui propose d’illustrer un récit
complet, LA REINE CHERCHEUSE, qui paraîtra dans le n°26 et qui sera
sa première BD publiée. Il illustre aussi une nouvelle dans le n°45.
Mais c’est surtout FRIPOUNET qui lui offre le plus de travail
à partir de 1966, car son style est parfaitement adapté aux récits
et illustrations de rubriques mettant en scène de jeunes enfants.
Ses personnages sont vivants et attachants et il devient rapidement
un des piliers du journal.
Il travaille régulièrement pour J2 MAGAZINE (1964-1974) puis
pour son successeur DJIN (1974-1981). Pour ce dernier titre,
il crée en 1977 une série de science-fiction, TÄRHN LE PRINCE DES
ETOILES, réalisée en couleurs directes. Cette superbe saga se terminera
dans TRIOLO en 1986 et sera reprise en 9 albums par les éditions
Glénat (1979-1987). Dans J2 MAGAZINE, il a également dessiné
des récits complets ou à suivre comme VALENTINE (scénario : François
DRALL) en 1970-1972 ou PIONNIERS DE L’ESPACE (scénario et dessin) en
1971-1974. Il arrive dans les pages de la troisième publication
Fleurus seulement en 1971 lorsqu’elle prend le titre de FORMULE 1.
Là, sur scénario de Jean-Marie NADAUD, il anime jusqu’en 1980 une
série d’aventures mouvementées, FRANK ET DRAGO sur 11 épisodes.
Encore une bonne bande qui disparaît sans explication.
En 1965, fort de ses menus travaux pour J2 MAGAZINE, il s’est
présenté à la rédaction de RECORD, mensuel édité par la Bonne
Presse où il est reçu par Nicolas GOUJON. Celui-ci cherchait justement
un personnage féminin pour varier le sommaire BD. DUFOSSÉ planche
sur un projet et fait un essai qui reçoit l’approbation de la rédaction.
Scénario et dessin, il a imaginé les aventures contemporaines d’une
sympathique jeune fille, Nathalie, toujours prête à aider son prochain,
ce qui l’entraîne dans des situations souvent périlleuses. Cette série
qui débute fin 1965 connaîtra un beau succès sous forme de récits
complets jusqu'en 1974 sur 44 épisodes. Puis, après des changements
de formules, RECORD s'essouffle et finit par disparaître,
entraînant dans sa chute ses auteurs et leurs séries.
Outre RECORD pour les garçons, la Bonne Presse avait transformé
son hebdomadaire pour filles BERNADETTE en NADE et s’était
associé avec LISETTE, le contenu BD des deux titres, à une
exception près, étant identique. De RECORD, DUFOSSÉ passe aussi
dans le bureau de NADE où on lui conseille d’aller voir la
rédaction de LISETTE aux éditions de Montsouris. Il est accepté
d’emblée et, vu les délais de parution de RECORD, c’est
NADE-LISETTE qui publie, avant NATHALIE, un premier récit
complet, UN PIANO POUR GILLES (scénario : Hélène LECOMTE-VIGIÉ), dans
le n°32/226 du 8 août 1965. S’ensuit une collaboration régulière
alternant récits à suivre ou complets et illustrations de romans et
nouvelles. Mais le journal périclite et sa collaboration s’interrompt
au n° 26/478 du 28 juin 1970 avec LA DAME AU BRAS DANS LE PLÂTRE.
Pour le supplément de petit format LISETTE MAGAZINE, il a livré
également quatre récits complets.
C’est en 1972 que la maison Segedo qui édite des publications
enfantines pour l’Afrique le contacte. On lui propose de reprendre
la série KOUAKOU dessinée précédemment par Jean-Claude MORCHOISNE.
Pendant près de vingt ans, il va dessiner les aventures de ce jeune noir
publiées dans la revue qui porte son nom. Il enchaîne aussi avec CALAO
qui s’adresse à un lectorat plus âgé. Les scénarios sont de MORETON,
Jean-Jacques CARTRY, BAKARY et surtout Serge SAINT-MICHEL qu’il retrouve
souvent par ailleurs. Une partie de ces récits sera reprise dans une
dizaine d’albums publiés entre 1976 et 1994, dont trois de KOUAKOU.
Il a également livré des bandes pour le quotidien FRATERNITÉ MATIN
d’Abidjan.

Contacté par les éditions Hachette en 1982, il met en BD une série
bien connue de la Bibliothèque rose, LE CLUB DES CINQ, création
anglaise d’Enid BLYTON. Il dessine les quatre premiers albums,
adaptés par Serge ROSENZWEIG d’après Claude VOILIER et les épisodes 3
LE SECRET DES TEMPLIERS (1983) et 4 LE CIMETIERE DES GÉANTS (1984)
seront publiés dans le journal de MICKEY Cette série sera poursuivie
par MARCELLO avec deux albums supplémentaires.
A partir de 1989, il revient aux sources de son enfance et commence
une longue collaboration avec les Scouts de France, illustrant revues,
manuels, ouvrages divers et créant même des BD. Dans SCOUTS
(1993-2001) il signe deux récits de LA PATROUILLE DES MOUFLONS, qui
seront repris en albums aux Presses de l'Île-de-France, et dans
LOUVETEAU ce sera PIERRE ET LA MEUTE (1993-2001). Pour les Scouts
Unitaires de France, il illustre la revue des Éclaireurs WOODCRAFT
(2006-2010) et des manuels pédagogiques. De 2007 à 2015, pour les
éditions de La Licorne il marche sur les traces de Pierre JOUBERT
en livrant de nouvelles illustrations aux rééditions des célèbres
"Signe de piste" (une dizaine de titres parus dont quelques inédits).
Dans les années 1980, les publications sont en régression et
disparaissent ; il s’oriente alors vers l’album, qu’il soit publicitaire
ou didactique, bien que cela demande beaucoup de recherche en
documentation. Il exécute une quinzaine d’ouvrages : L’HISTOIRE DU
GABON, HASSAN II, L’ARABIE SAOUDITE (Fayolle), LE PIEGE (Fleurus 1986),
MON PAYS L’EUROPE (Fleurus 1990), LE LIONS CLUB INTERNATIONAL
(Le Signe 1989), BADEN POWELL (Le Rameau 1988), SAINT VINCENT PALLOTTI
(Le Rameau) et pour Glénat : LE COÛT DU RISQUE (pour Total 1985),
ALERTE EN FORÊT (Environnement 1986), ISERE L’AVENTURE D’UN DÉPARTEMENT
(1987), L’OR NOIR (Elf Aquitaine) et 5 planches dans 100 ANS DE CINÉMA
d’Achille ZAVATTA (1995). Toujours pour Glénat dans les séries
historiques, sur scénario de Patrick COTHIAS, il signe LES SANGUINAIRES,
deux albums parus en 1997 et 1999 (extraits dans VÉCU).
Plus surprenant, en 1969 il a fait une apparition dans PILOTE
(n° 515) sans doute grâce à Guy HEMPAY qui lui a signé le scénario
d’un récit complet en 7 planches, LA BANDE A MOMOT.
Sous le pseudonyme de Hanz KOVACQ, il aborde le genre érotique pour
les éditions CAP/IPM dans la revue BÉDÉ X (1997-2004) avec quatre
récits qui seront repris en albums, ainsi qu'un livre illustré.
Discret, Bernard DUFOSSÉ a rarement fait l’objet d’entretiens ou
d’études dans la presse BD (mis à part HOP ! n°10 et 18) et pourtant cet
excellent dessinateur mériterait mieux que de rester dans l’ombre.
Pendant près de 50 ans, il a su par son talent amuser et intéresser ses
lecteurs mais il reste peu connu en raison de la rareté de ses albums.
A part TÄRHN, série épuisée depuis longtemps, ce ne sont pas les
ouvrages destinés à des circuits hors commerce qui pouvaient le faire
connaître. Pourtant, il fait partie de ces auteurs qu’il faut réhabiliter
car ils méritent d’être enfin reconnus à leur juste valeur.
Louis CANCE
Merci à Simone Cance qui a autorisé la reproduction des articles
de Louis Cance.
Merci à Michaël Palard de
"Plotch Splaf et Damien Didier-Laurent
qui ont traité les scans
des articles pour les rendre utilisables en textes.
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